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Crossroads - 1986 - Walter Hill

Crossroads, c'est ce qu'on appelle dans l'Histoire du cinéma, un petit film, un film sympa, gentil, rien de plus... Pour preuve, il n'a même pas été réédité en DVD (ni même en VHS en France) et n'est plus disponible dans aucun vidéo club, ni sur aucun magasin de produits culturels en ligne.

Oui, peut-être, ce film n'est pas un chef d'oeuvre de réalisation, d'écriture cinématographique, mais pour moi, c'est un film majeur. Un film qui devrait, à l'époque où l'on fait croire à tous les gamins (et leurs parents) qu'il suffit de passer à la télé pour être un artiste, et qu'être une star est plus important que d'être acteur ou comédien, être au programme de toutes les écoles de musique, conservatoires et autres filières à options artistiques. A l'époque où un gamin de 17 ans pense d'abord à devenir intermittent du spectacle et compte ce que l'ASSEDIC pourra bien lui verser s'il cachetonne 1 fois par semaine, plutôt que musicien, Crossroads devrait être programmé sur les chaînes du service public avec débat à la clef...


Crossraods, c'est bien sûr de la musique. Du blues. Roots. Celui à la Robert Jonhson. Une BO donc, d'une qualité exceptionnelle, rare, interprétée par Ry Cooder à la guitare.

C'est bien sûr un jeune comédien, Ralph Macchio, jeune star montante propulsée par Karaté Kid en 1984 et son duo improbable et pourtant tellement juste et touchant avec Joe Seneca (musicien-acteur black. Mort à 82 ans en 1996. Il a joué avec les Beach Boys, James Brown, The Spencer Davis Group, Freddy Fender).

C'est bien sûr, un duel mytique à la guitare à la fin du film, entre Eugène (Ralph Machhio) et Steve Vai (lui même).

C'est bien sûr une leçon d'histoire du blues américain, du Delta du Mississipi au Chicago Blues. C'est bien sûr de très beaux paysages, mieux que des cartes postales et un scénario en béton (écrit par Thomas Baum et John Fusco).
C'est tout ça, et ça pourrait être suffisant, largement pour le voir d'urgence... mais, c'est bien plus encore.

L'histoire, c'est celle d'Eugène, un jeune new yorkais, issu d'une famille aisée, élève-guitariste très doué dans un conservatoire de musique (le meilleur élève de son cours selon ses professeurs). Tout va bien pour lui, sauf que sa passion c'est le blues. Hé oui, difficile de concilier musique classique et misissipi Blues. Il faut faire des choix. D'autant que le blues, ça le tarabuste au point de vouloir retrouver un vieux bluesman, Willie Brown, un acolyte harmoniciste de Robert Johnson de la grande époque, qui, selon lui, aurait écrit quelques morceaux mais ne les aurait jamais enregistrés. Retrouver le vieillard, le convaincre de lui céder les droits de ses morceaux inédits, les enregistrer et devenir LE nouveau Robert Johnson ! Le gamin est opîniatre et sait comment chercher, aussi, retrouve-t'il, le dit Willie Brown, dans un hospice de Harlem. Aigris, bougon, caractériel, mais toujours harmoniste, le vieillard black à barbe blanche ne se laisse pas approcher par Eugène. Qu'à celà ne tienne, le gamin va se faire embaucher comme "technicien de surface" (c'est comme ça qu'on dit aujourd'hui, non ?) dans l'hôpital.

Première étape, convaincre le vieux qu'il est lui, le jeune nanti, un véritable bluesman et qu'il est, lui, le vieux renard, bel et bien le légendaire Willie Brown (ce qu'il nie avec véhémence, méfiant). Le vieillard rigole, jusqu'au jour où Eugène amène sa guitare (la même que Robert Johnson !) dans l'hôpital et joue un morceau live. Le vieillard craque et lui accorde audience et avoue qu'il est bien celui qu'il cherche... alors ok pour lui donner satisfaction, mais à une condition, que le gamin le fasse sortir de l'hospice et le ramène dasn le Mississipi. Là, Eugène aura ce qu'il veut.

Mais le renard ne dit pas tout. Il ne dit pas qu'il a, lui aussi, à l'instar de Robert Johnson, vendu son âme au diable dans les années 30 pour devenir un grand bluesman et qu'il est toujours sous contrat avec le démon et que ça hante encore toutes ses nuits. Il ne dit pas qu'il n'a pas le sou, pourtant il le laisse croire à Eugène. Et les voilà parti tous les 2 sur les routes, à pied. On the road... movie. C'est parti.

Découvrir la vie, la vraie, avec ses douleurs, ses joies , ses tristesses, ses rencontres, ses épreuves, ses passages obligés, ses chemins de traverses... et surtout, la passion. Celle qui fait vivre et que l'on ne doit jamais abandonner. Jusqu'au bout. La gloire ? La fin ? L'aboutissement ? Aucune importance ! Ce qui compte, c'est le chemin.

Prendre le chemin et tracer sa route. Pour commencer, changer de guitare. cette guitare vieille et ridicule pour faire comme... c'est grotesque, à leur époque les bluesmen avaient inventé l'électricité ! Eugène doit acheter une guitare moderne, et un petit ampli, c'est bien pratique pour faire la manche en plein air ! Le vieux n'est pas passéiste. Au contraire.

Je ne vais pas tout raconter ici, je vous laisse le plaisir de le faire si vous le souhaitez...

Crossroads, c'est un film intemporel, bourré de détails que l'on redécouvre à chaque lecture.

Voici, en vrac, un liste de scènes à savourer

  • Au début du film Eugène passe une audition au conservatoire et termine sa pièce classique en un blues impeccable (son professeur lui dira de choisir et surtout de ne pas laisser passer sa véritable vocation. Comme quoi, même un prof de conservatoire comprend les choses...)
  • A l'hôpital, Willie Brown "traîte" Eugène de "bluesman" en rigolant à pleines dents
  • Sur la route, Eugène achète sa guitare électrique et joue, assis dans le magasin, tandis que Willie Brown négocie le prix (c'est la première fois dans la BO que l'on entend la fabuleuse slide guitare de Ry Cooder)
  • Frances (la jeune fille) découvre que le vieux renard black est bien Willie Brown et qu'il ne mène peut-être pas en bateau Eugène (dans le bar black, quand Willie Brown monte sur scène et invite Eugène à le rejoindre pour jouer. Et willie danse ! Un régal !)
  • Les flics (tous black) interpèlent le trio, Eugène, Willie et Frances, dans la grange où ils ont passé la nuit, leurs prennent tout leur argent et les invite à quitter la région... Qui est noir, qui ne l'est pas ? Est-ce important ?
  • Dans le duel final (Eugène vs Steve Vai), regardez Willie danser aux côtés d'Eugène quand il interprète son morceau classique ! Un pur bonheur !

Voilà, la liste pourrait être longue. A vous de la compléter si ça vous dit.

Et puis quoi, quand un comédien comme Ralph Macchio est capable de jouer tous les morceaux en play back, sans faire d'erreur (toujours filmé en plans assez larges), quand on sait que sur le BO ce n'est autre que Ry Cooder qui joue, une performance comme ça, à elle seule mérite que l'on classe Corssraods parmi les films indispensables !

Crossraods, c'est tout ça. C'est du cinéma, du vrai.